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mardi 10 juillet 2012

Paul, petit Paul

Michel Valprémy

Hommage à Paul Préboist

Paul, petit Paul, Paulus, Paulo de mon cœur, de ma panse, de mon sein, de mes seins, mon Paul, mon poulet, ma Paulette, bise-moi, suce-moi, mange-moi, bise, suce et mange mon cœur, ma panse, mon sein, le droit, le gauche, les deux ensemble, dis, dis, dis, dis maman, maman, maman, maman, dis mamoune, mamine, mamouille, maminemoumouille, dis maman, môman, manman, MAMAN, MA MAMAN, dis, dis, rigole mon beau, mon singe, mon tout laid, rigole ma goule, ma gargouille, dis mamimouche, mamiliche, maminette, maminemouchette, montre tes dents, fais grimace et le clown de la farce, le benêt à casquette, le jocrisse à béret, à bretelles, l'âne au père Etienne, dis maman mon torchon, mon Gnafron, mon trognon, parle, bredouille, bafouille, rigole et je rigole, rigole sur mon cœur, ma panse, mes deux seins, glisse pas ton doigt dans la fente du mur, dans l'accroc du rideau, lâche ta boutonnière, ton sou percé, la rondelle et le tuyau du gaz, plonge pas ton doigt dans l'oreille du pépé, dans le ventre des fleurs, dans le trou des matous, le trou, l'étoile des baigneurs, des garçons coiffeurs, des bonnes à rien faire, joue pas au biscuit trempé, au vermicelle qui gonfle, à l'asperge violette, bise mamoune, suce mamouille, mange maminemoumouille, rigole mon Paul, mon pou, ma puce à moi, à moi seule, toute seule, ma pucelette, mon puceau très sot

Le Grand Nord n°80, 2è trimestre 1996


vendredi 18 mai 2012

Moue de Veau n°853

Michel Valprémy







Moue de Veau n°853, 9 mai 1996. Lucien Suel Editeur

lundi 11 avril 2011

Loin

Michel Valprémy

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Quel silence, enfin, intra-muros, à trois cloisons du
premier homme, à trois cloisons du bris des porcelaines, du tintouin des casseroles - un tel sabbat pour une soupe-minute! -, loin, loin des musiques indiennes, du tam-tam vaudou, loin du marteau et de l'enclume, du clou rivant le cercueil de nos anciens à bout de souffle, le cercueil des athlètes en maillot rosé, décharnés, rabougris, rétrécis du printemps au printemps, loin des rats crucifiés, des moutards fouettés pas pour rire, loin, loin, loin de la crécelle des ondes publiques, du babil des stars à une branche (j' te racont' pas - s'ils disaient vrai), loin des missels terroristes, croc pour croc, loin des jeux de cordes et de mitraille, de la rancune pierreuse du bon mari de naguère, à deux étages du dernier crève-la-faim (le clan est complet), à deux rues du bizness café-trottoir, cinq d'un amour frileux qui me fit confondre une fois encore la fourrure et le sel, loin des porches, des parvis, des brocantes sacrées et profanes, loin des musées sans poussière, sans chair ni diablerie, ailleurs, en repli, en deçà du nombre, au secret, au repos, loin de la lumière miraculeuse - jour et nuit - des marronniers de mars.
 
Et quel repos, là, sous les paupières, sous la peau de
l'œil, sur cet écran frontal, demi-lune tantôt bleue, tantôt rousse, tantôt paille de fer, quel repos en ce pays, en cette lande ondoyante (à peine), moirée (presque pas), en ce cosmos petit où s'incrustait, décalqué blanc sur blanc, le rectangle d'une fenêtre d'été ouverte à deux battants, où se dissipait dans un gris uniforme le brouillard des chagrins vendus aux encoignures, où le plaisir, Madame, oui, coulait sa liqueur d'orange, ses braises en limaille, où s'éveille parfois le souvenir d'une sieste spéciale - la première dans le camp des faneurs les plus costauds du monde -, un sommeil pour du beurre à l'ombre d'un béret.
Ici-bas, donc, dans l'obscurité de la chambre, juste avant les pulsations du rêve (à Séville trois éventails très-chrétiens lâchèrent des taureaux, des pivoines et des naines poudrées au pied d'un reposoir), juste avant l'embaumement du sommeil (anesthésie brutale ou philtre cotonneux), avant le dépli des fatigues, j'habite des cabanes que j'inventais quand je les habitais.
 
Reste à dormir debout, sourd,
sonneur, souche, plomb, bébé, loir, comme tout ça, comme après la mort d'Elle & Lui, après la noyade, après l'hôpital, chambre 231 (j'deviens foll' p'tit, foll', la douleur me quitt' pus), chambre 37, ma main vive dans la sienne morte avant l'heure (me r'fair' la c'ris', huit jours, me r'fair' la c'ris), chambre 24 où le corps rote et pète sans trop le vouloir (s'cus', c'est Navarone, c'est l'ouverture 1812), chambre 18 (jet? mes dents, j'te prie, j'te prie, jett'-les, après), dormir loin du dormeur (trop tard, trop mangé, h.s., pas l'envie), loin du ronfleur, de l'asmathique, de l'allergique, loin du bébé baveur et hurleur, loin du chien moribond, dormir, meunier, dormir, belle au bois, dormir, poupée dormeuse, chambre x, chambre froide, inconnu au moulin.
 
Il est nuit, il fait nuit, il se fait nuit bonnes gens d'ici,
d'ailleurs et de partout, nuit profonde, épaisse, épaisse, quel moka! quel civet! Des parpaings de suie ; l'oreille, seule, les traverse et fouille dans le marc ; revanche des bruits perdus, des bruits perdus du jour (la lumière de midi palpable, nourrissante, brûle les sons, les mélange en sa sueur, en son jus d'ambre chaud - ô mon insecte piquetant la pelure du ciel!) ; nuit noire, trop-plein d'embuscades, de miroirs aveugles ; quelle est la main et l'ombre qui me trouent, me réjouissent, me défigurent? Si c'était le dernier mystère, un carbone vierge épingle dans la chambre obscure, dans la cabane close, dans l'écurie, cible sans marge, sans lisière ; et cracher dessus. Nuit claire, più chiara del giorno, en arêtes, en squelettes - l'espion se démasque et salue les fontaines -, nuit de douceur ruisselante - le givre, même -, qui invente la transparence du vitrail, des lacrymatoires, des fioles médicinales et des flacons d'agate où le sage chinois emprisonne les brouillards des cimes et des vais, nuit pour les amants extasiés aux yeux toujours ouverts, nuit d'Iseult, de Didon, nuit bleu nuit, nuit d'Idumée, nuit d'une unique nuit.
 
Quel ennui, soudain, entre les draps, dans la grotte tiède
peinte par les hommes de l'art neuf, quel ennui, chaque nuit, sous le plafond crispé, à tondre les moutons, à les égorger, les étriper, à clumer dans son coude, à compter sur ses doigts (sept, douze, mille tre), quel ennui dans ce parking désert, dans cette rue obscure, cette voie de garage, en ces impasses gigognes où je recule, où j'agonise pépère, en pure perte, loin des rats et des taons, loin du caquetage des mamies bucoliques, loin des gares et des quais, loin, loin des halls cannibales, des blagues de comptoir (ici Radio Moquette!), si loin d'une main tendue, d'un coup d'épaule, loin, loin, trop loin mon amour du boucan de ta panse.
 
Nuit bleu nuit (extraits)
 
"Est limaille en frisons, petit plomb, impression soleil crevé"
Michel Valprémy
 
Supplément à Bulle n°9 Mars 1996 - ISSN 1259-928X Christian Dégoutte Au Bourg 42260 Bully




















dimanche 6 février 2011

C'est spécial

Michel Valprémy

C'est spécial, cette fatigue des mamans dans le bus, des mamans aimantes, des mamans de famille nombreuse. Comme leur regard change quand un instant la marmaille s'assoupit, quand cessent les bagarres à grands coups de petits drapeaux de chez Mc Donald's. L'œil des mamans se retire en dedans (est-ce l'oreille qui fait le guet ?) ; on n'y distingue plus la moindre étoile, la moindre lueur. C'est une mer morte. Les mamans dorment debout. De temps à autre, elles bâillent en dormant.

Edition Jour de lettre, avril-mai 1996

dimanche 20 septembre 2009

D'elle, je n'exige rien




D’elle, je n’exige rien, ni ongles peints ni cheveux bouclés. Je ne l’oblige pas à montrer ses genoux, sa première dent de sagesse. Elle m’offre un œillet nain, des épices sable et feu, des chiffons de soie imprimés à la main. Cinq fois par jour, elle sert le café. Alors, elle raconte la mer, des sagas interminables où les filles n’enfantent jamais, au grand jamais. Ensuite, elle s’attarde sur la symbolique du hibou, du scarabée, grimace si j’avale goulument, pressé d’en finir, le dernier biscuit. Sur le pas de la porte, elle parle d’un garçon singulier qui ne rit jamais quand, à l’heure du couché, elle cache les pyjamas. J’imagine une chambre austère, sans lumière, le corps blanc d’un homme du nord, une chaire glabre, pure.
Depuis peu, elle mange des feuilles d’eucalyptus, pastelle en rose des lapins vivants ; elle enfile ses manteaux, ses blouses, ses gilets, derrière devant, comme des camisoles. Elle dit que le garçon qui ne ressemble à personne part bientôt. Elle ne pleure pas. Moi, oui. Je ne sais pas sur qui.
Quitte à mourir de soif, à me rendre sourd, vers les vingt deux heures trente, du printemps au printemps, elle n’a d’autre souci que de relater par le menu les vétilles d’une journée qu’elle ne parvient pas à remplir. C’est une anecdotière pure et simple. Tout en palabrant, elle pince, froisse, poisse l’extrémité de ses cheveux ; c’est le tic que je préfère, plus que le roulement outrancier de ses yeux, plus que le plissement convulsif de son nez ; je l’avoue sans sourire. « Mieux vaut être clown que croque-mort ! » Répond-elle vertement. Puis, sur la lancée, elle me reproche (c’est son seul reproche) ma peau parfaite ; l’absence de points noirs. Vient ensuite le récit minutieux des espoirs d’avancement, des nominations improbables, une spéculation insoutenable. Epuisé, les paupières lourdes, je finis par cracher la mousse rosée de ma patte dentifrice sur ses pieds et ses bras. Elle dit : « répulsion du soir, attraction du matin ! »

LPDA n°108, novembre 1996

dimanche 19 juillet 2009

L'homme cassé





LPDA n°94, juillet 1986