dimanche 26 septembre 2010

Et la bouche

Michel Valprémy

et la bouche ne ment plus ne raconte plus d'histoires ne dit rien ni la patience ni les mots du désir elle ne sourit plus la bouche ne ment plus elle a raconté les plus belles histoires les plus fausses aussi elle a parlé de demain de l'été d'un voyage la bouche parlait sans cesse à perte de souffle sans boire sans fumer la bouche avait craché le chewing-gum le fétu de paille un filet de salive la bouche allait parler d'une chambre d'une meule de foin ou d'un hangar désert avant demain avant l'été avant le voyage et la bouche mange la bouche qui n'était pas si pressée qui se réservait pour l'été le voyage pour demain et la bouche frotte la bouche entre dans la bouche lui interdit de parler de sourire la bouche lèche les dents l'intérieur des joues le palais la bouche darde sa langue dépose la bave et la mousse dans la bouche la bouche quitte la bouche la langue s'étire s'effile glisse dans les narines le trou des oreilles la langue lisse les cheveux et les cils mouille les pommettes le coin des yeux la bouche ne reste pas longtemps à la même place va si vite va trop vite ne se soucie que d'elle-même et saute et butine et goûte des plis encore parfumés à la base du cou et le poivre à l'aisselle et la bouche commence à mordiller ne se retient plus sur le sein devient ventouse mandibule la bouche trace des sillons luisants sur toute la poitrine des sillons et des grands huit la langue creuse le nombril y cogne vrille comme un foret les dents scient arrachent un premier poil la bouche heurte une main qui cache quelque chose ou le protège la bouche écume et mord et mord encore le gras de la cuisse la rotule la cheville les tendons du pied la bouche dévore les orteils un à un la langue essuie la poussière du chemin blanc des chaumes et quelques grains de sable la poussière des pavés et des quais et 1e sang affleure et le sang reste sous la peau comme une tache comme une fraise et la bouche revient à ce qui était caché et qui ne l'est plus la bouche s'affole bâfre les couilles les deux ensemble et la langue dans la bouche les caresse et les presse contre les dents l'intérieur des joues le palais et la bouche les laisse sortir et les reprend et ainsi de suite jusqu'à la douleur la bouche s'agrandit ses commissures craquent la bouche a mal et se déchire elle ne sera jamais rassasiée elle aura toujours faim elle ne savourera pas de meilleurs fruits ni les prunes d'Agen ni les reine-claudes ni les quetsches elle ne sucera pas des mousses plus odorantes des lichens plus spongieux et la bouche fouille fouine entre les fesses et se repaît la bouche s'abouche au trou la langue s'élargit s'aplatit elle barbouille elle nettoie ce qu'elle a barbouillé la langue change de forme prend toutes les formes elle cure elle pénètre elle va beaucoup plus loin au tréfonds et les lèvres aspirent les sucs et la bouche se retire respire un peu d'air par saccades et souffle et respire et avale la tige la queue l'avale si bien que les lèvres sont retroussées que la tige cogne au fond de la gorge que les mâchoires souffrent que les larmes coulent que l'estomac se révulse et la bouche est pleine comblée n'en demande pas plus elle est pleine c'est chaud et dur et tendre aussi et ça bat ça puise c'est vivant et la queue se retire d'elle-même et plonge et se retire et replonge et s'échappe tout à fait et la langue s'amenuise pour devenir écharde épingle pour s'infiltrer dans le méat la 1angue renonce pourlèche le gland rouge violet pourpre cramoisi et la bouche recueille le sperme jusqu'à la dernière goutte et la bouche se gargarise mélange semence et salive en avale un peu et la bouche verse dans la bouche le contenu de la bouche et très vite la bouche dit qu'il est bien trop tôt pour savoir ce que sera demain ce que sera l'été la bouche se rince à l'eau du robinet la bouche demande une cigarette la bouche ne parle plus d'un voyage
 
Le 16.06.1984 - Inédit

Fronton du passé

Michel Valprémy

Ô
PUISATIER !
LE CHAOS EST ANCIEN.
QUE FERAI-JE SINON REPOUSSER L’ORDINAIRE ?
MELANGER L’INSTINCT BAROQUE AUX NECESSITES AUSTERES !
 
Le 14.07.1975 - Inédit





lundi 13 septembre 2010

Faces

Michel Valprémy

face1

face2

LPDA n°41, juin 1985