dimanche 22 avril 2012

Androgyne (songe pour toi)

Michel Valprémy



palper à fleur de bouche la hanche granulée et ronde (tu l'aperçus cambré sur l'escalier antique au défi de son cou de berger puis l'autre œil impubère sous la mèche lissée — nuit de trottoirs) respirer l'odeur laiteuse de son ventre concis à peine duveteux — les oisillons frémissent mais le bec est acide — une épaule informée s'écoule comme un vase les pieds hors des tennis sa main drape le nu calme cette statue sérieuse (perverse sans l'oser dans la houle d'une pose changée) matinale s'étire et te dis vous avant de dégeler les lèvres où glisse un pu de bave


et moi
je disparais porte fermée plancher crissant
les cernes sont venus


Cassiopée ou l'Envers du Rien n°2,  septembre 1983


Dé(s) pucelages

Michel Valprémy



LPDA n°96, août 1986

Ablutions

Michel Valprémy



                  Pizzicati tu te rinces la bouche gargouillis d’escargots quand mon sperme engorgeait tes narines écume pendue aux herbes de ton cul celles d’après comme suint glauque et ton urine goutte à goutte sous ma lèvre malade (« te secoue pas c’est à moi ») tu craches sur l’émail

Inédit, juin 1981 

Comme un terrier dans l'igloo... dans la dune ! (2 illustrations)

Michel Valprémy




Comme un terrier dans l'igloo... dans la dune !, septembre 2005

lundi 16 avril 2012

10 heures en été

Michel Valprémy



      Vendredi 26 août 10 heures.

Pendant que je travaille. — à ma façon — un chien, dort à mes côtés. Il m'honore de sa présence. S'il bouge, je m'inquiète. S'il va flairer sous la porte, je lui ouvre aussitôt. J'ai peur de l'ennuyer, n'ayant rien à lui dire. Perros ajoute entre parenthèses, Avec les hommes c'est le contraire, incidente que je ne peux prendre à mon compte. Poursuivons : Nous ne parlons pas la même langue, et cet échange réduit au plaisir même, qui. est muet, rend les moments d'entente incomparablement chauds. Voici, j'ai (il a) donc écrit sur moi et mon chien quotidien.
A 10 heures, en été, au lieu-dit Robin, chaque jour que fait l'Autre, je suis dans mon bureau. J'écris, ici, de 7 heures 45 à midi 45 (mais je prends beaucoup de temps pour tailler mes crayons). Comme je me couche fort tard, j'ai déjà, à 10 heures, beaucoup fumé, bu beaucoup de café pour tenir jusqu'à la sieste. Je suis habillé — c'est immuable — d'une légère gandoura, souvenir d'un voyage au Maroc, et, par-dessus, d'une veste d'intérieur en lainage écossais qui appartint au père de Thomas. Le résultat est, j'en conviens, d'un ridicule, d'autant plus que je ne me sépare jamais de mes chaussettes, habitude (une sorte de protection) contractée durant mes années de théâtre — il y aurait beaucoup à dire sur les pieds des danseurs. Bref, si quelque visiteur, excepté les intimes qui de ma part en ont vu d'autres, me surprend dans cet accoutrement, je lance : Excusez.-moi, aujourd'hui je suis habillé comme une vieille flemme !


     Samedi 27 août 10 heures.

Beau temps, pas un nuage, comme si l'azur du ciel devenait liquide, et pleuvait eût dit Gide, a dit Gide. Thierry Dessolas fit mieux ; ne m'offrit-il pas le 30 juillet, à Saint-Quentin-de-Caplong la lumière boulangère de l'été ? Je me suis empressé de saisir la phrase au vol. Je m'en régale encore aujourd'hui, ce matin, chaque fois qu'un souffle de vent chaud bouscule la fenêtre et soulève mon papier quadrillé. Dans la lumière boulangère de l'été. Tout est là : l'étuve, le doré, la farine de la route, les croûtes...
Le samedi et le dimanche, en été, Thomas ne travaille pas. Rien ne change vraiment dans mon comportement. A 10 heures, je suis dans mon bureau. Mais, j'ai l'impression que le temps va me manquer, qu'il se rétrécit comme une peau de chagrin et me nargue plus que les autres jours. Je sais que Thomas, nu, prend un bain de soleil sur la terrasse. Je dois refréner l'envie d'y jeter un œil. Je ne résiste pas longtemps. Alors, pour me venger, je lui dis que selon Hirschfeld, son sexe entre dans la classification à la babouin, C'est faux, mais ça m'amuse un brin.


     Dimanche 28 août 10 heures.

Après vingt-trois ans de pagaille, je me suis enfin décidé à réunir proprement, dans un cahier neuf, les citations qui me plurent ou me furent utiles. Avant-hier, j'ai commencé par le fameux — pour moi — être me perce de Valéry. A 10 heures et des poussières, ce matin, j'en étais à cette phrase de Tolstoï rapportée par Gorki : L'homme survit à des tremblements de terre, aux épidémies, aux horreurs de la maladie, à toutes les agonies de l'âme, mais de tout temps la tragédie qui l'a tourmenté, qui le tourmente et le tourmentera le plus, c'est la tragédie de l'alcôve.
Sur France Musique, Elisabeth Schwarzkopf chante Hugo Wolf. C'est ainsi, j'écris en musique. Le silence m'intimide comme les beaux paysages, la trop éclatante lumière. On en pensera ce qu'on voudra. De Pérotin le Grand à Boulez, la musique est ma nourriture quotidienne, je m'en régale, je n'en suis jamais rassasié.


     Lundi 29 août 10 heures.

Il pluvine. Je pense déjà à l'automne. J'ai hâte de cueillir la première figue (je reviens bredouille). Il y a une application dans cette hâte, un apprêt. Je formule l'élan, j'irais jusqu'à l'inventer. C’est qu'ils sont morts déjà, le grenadier, le capitaine au long cours, le mécanicien, si jeunes — disons pas plus vieux que moi — et si vivants. Il ne faut plus perdre de temps, ne plus le gaspiller. J'entends leurs voix souvent, à 10 heures, à midi, à 18 heures. Ils ont même le culot de hanter mes nuits, de troubler mes siestes. Si on me dit que 1'automne est une saison porteuse de tristesse, je suis bien capable de répondre par la négative.
Plus joyeux qu’heureux, j'ai trouvé cette formule dans un test de l'été du Nouvel Observateur. C'est ça, parfois.


     Mardi 30 août 10 heures.

Une feuille de carnet est tombée ce matin (9 heures 45) d'un précis de grammaire que je consulte rarement, vu que le Grevisse reste toujours à portée de la main. Eté 86, des notules de cet été-là :
ni le feu ni la mollesse
priape/enquiller/trinque.-nombril/écouvillon/bilboquet/braquemartt-revoir Gauthier, Lettres à la Présidente (XV)
la petite enclume de lumière, au même, endroit, sur la route principale de la chambre de mémé — les battages, la machine rouge, la flanelle mouillée Des hommes.
p. 39 duo Wilde/Gide — p. 54 Bernanos
Bob & Nèv au Ponteil — demander s'ils veulent lire la Guêpe chez F.F.


     Mercredi 31 août 10 heures.

Je lisais hier soir une introduction de Lucien Descaves à des Pages choisies de J.-K. Huysmans. On y apprenait que l'auteur de Là-bas habita toujours ces quartiers morts enfermés dans le coin d’une active et grande ville. (La phrase est de Huysmans.) Je repense à ces mots que j'ai soulignés, j'y repense parce que la première lettre de la pile du courrier en attente est signée Jacques Lucchesi — je la reçus hier, à midi. Sans me prévenir, J.L. me fit, le 18 de ce mois, une visite surprise à Bordeaux. Il trouva porte close et ne put me rencontrer. Il écrit qu'il a été étonné de la décrépitude du sanctuaire (mon immeuble). Oui, il n'a pas tort. L'appartement est des plus modestes ; hormis mes écrits et les œuvres de mes amis plasticiens, il n'abrite rien de précieux. Personne n'y vient, n'y mange, n'y dort. Tout y est plus ou moins déglingué. Thomas aime à dire que j'exploite en ce lieu mon côté misérabiliste. Ici, à la campagne, le grand espace, les hautes cheminées, le mobilier rustique donnent sans doute l'image d'une certaine opulence. Peu importe, je me plais où me rejoint la solitude.
Septembre demain, j'attends le petit trépas des feuilles.


Cortex de nuit n°9, "L'intervention au quotidien", 2è trim. 1989


Catéchisme

Michel Valprémy


LPDA n°41, juin 1985

Caïn

Michel Valprémy



LPDA n°101, septembre 1986

dimanche 8 avril 2012

7 phases pour un musicien (inédit, 1975)

Michel Valprémy


à J.-A. Caldéron


PHASE 1

Alcool bizarre au rythme dur du piano.
Sous le sang tricéphale de l'orgie des dialogues
et quand le cerveau meurt des chemins au bourbier
???
pourquoi ne plus quitter ce qui sombre
et se
COUPE
de l'horizon-abîme, Jusqu'au rivage, ramer.
Là-bas.
Mourir à ce terme-désir qui serpente en ton cor ;
Fleur de tes dents, miracle du soir
et de feu,

arbitre du destin d'amertume.


PHASE 2

L'orchidée mauve s'affaisse sur le meuble cubique,
La pluie coupe les yeux. L'aveugle boira le mystère.
Où je l'imagine la fille bascule des sensations
de c
        h
           u
              t
                e
                   s.
Un lac d'eau mûre craque entre CEUX qui SAVENT.
je mâche la peau d'une cigarette bleue et couche sous mes doigts le galbe d'un fruit d'Automne.



PHASE 3


L'œil plisse un souvenir de membres en mélanges.
Statuts du sud, ouvrage du soleil contre l'os.
Le drap-buvard d'un délire à ton ciel.



PHASE 4

 
à Nicole Garcia

 T
 I
Groupée. Son corps de       G        
 E
 S
La laideur des murs ne faussait pas les yeux,
ce que j'apprendrai de l'Orient,
DERACINEE.
L’écharpe certifiait son cou.
Mes bras pliaient ses bras repliés.
Ce cou plus long que Byzance, parfum des
ligaments.
Un cygne se déchire.
Le projecteur licencieux boit son image noire,
vertigineuse.

PHASE 5

à la même .Nicole,

Bach aux cimes d'un orage
sur ton œil mauve — est-ce un reflet de laine,
voiles de ta démarche ? — Après, écarté d’
Elle.
J’ai pénétré ton oubli.
Face à cœur, les mots.
Une dent coupe sa bouche.
Les habits dérisoires pour ce corps qui perce l'air.
La Cantate plie la mélancolie.
J'ai crié pour son effroi :
"QU'ELLE VIVE HAUTEMENT !"
Elle réclame le temps d'ailleurs,
—feuilles perdues pour la saison—
"A-ALLELUIA~A-A-A-ALLE-E-ELUIA"...


PHASE 6


J'EXIGE.
S’est enfoui,
Sous le flou des langes de la toge bleue,
(vaste champ pour la sublime indécence)
son corps dur de garçon, muscles arqués.
Il savait mon regard sans conquête, simplifié,


PHASE 7


II pleut
Sur tes genoux transis. Calée au fond des cafés.
La fumée ou l'alcool, nos yeux endoloris.
Je fuis, infiltré sur la mousse ancienne des cours. Crible du vent pour les feuilles plus lourdes.
La saison à rebours.
Renaîtras-tu après ma mort ?
Douze larmes pour les cris de l'argile.
— Ô pas s é amenuisé ! —
Un œil distinct dort sous la matière.
L'aura de mes envies bleuira ce visage assoupi.
Je juge le présent.
DEHORS.
Un défi en                                       SAU                                    TANT l'écaillé des trottoirs, damiers des rêves où je suis roi du nombre.
1…2…3…1…0


Inédit, mai 1975 

Après l'effort

Michel Valprémy





LPDA n°23, janvier 1985

Suspension

Michel Valprémy


LPDA n°31, mars 1985

L'affiche n°6 : "Antonin Artaud..."

Michel Valprémy (participation)




L'affiche n°6, octobre 1992

L'affiche n°1 : "Aux insulaires, salut..."

Michel Valprémy (participation)



L'affiche n°1, octobre 1990