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samedi 7 juillet 2012

Le matelas de chair

Michel Valprémy



Entre tous, je suis le plus gros, le plus gras, l’énorme poussah. Personne ne m’égalera. Jeannot et Luc sont menus comme des haricots verts, un peu ridicules à voir quand ils se baignent. Je ne me déshabille jamais, ils rougiraient de leur ventre creux. La sècheresse n’en finit pas cette année. Je reste à l’ombre de peur de fondre. Je les surveille. Ils brassent l’eau de la rivière, s’aspergent en riant, collent leur bouche l’une sur l’autre, glissent leurs doigts trop fins entre leurs jambes, écartent leurs fesses étriquées pour regarder de plus près. Je mange, je ne perds pas de temps. Ça leur fait plaisir. J’ai promis, en dehors des repas, d’avaler, toutes les heures, quatre tartines de pain beurré. Ils ont leur plan. C’est une surprise, la surprise du matelas de chair vivante.
Les groseilles à maquereau éclatent. Le soleil grille la prairie. Plus je bois, plus je sue. Je vais au rendez-vous. Mes cuisses se chevauchent, brûlent. La gourde est vide. Au fond du verger, en pleine lumière, Jeannot et Luc, nus, jouent aux duellistes avec leur pipeau dressé vers le ciel. Leur maigreur fait pitié ; à pleurer. Ils se chatouillent. Ils disent qu’ils n’ont pas assez de quatre mains.
J’obéis. J’enlève mes vêtements. A leurs grimaces, je vois bien qu’ils jalousent mes rondeurs. Je fais le modeste. J’obéis. Je me couche sur le ventre, les bras et les pieds serrés. Jeannot et Luc plantent des piquets autour de moi, éraflent à peine ce qui déborde. Ils parlent beaucoup de la fatigue, de la chaleur. Ils doivent être comme suspendus dans l’air, la peau ne toucher que la peau. Les piquets ne sont là qu’en cas de maladresse, de chute. Ils s’allongent sur moi, gigotent, légers, bouillants et mouillés. Leur amour pour moi n’a pas son pareil.


Le Miracle tatoué n°1, juin 1990

Le feuillet trouvé à Emmaüs

Michel Valprémy



II croit qu'il est exactement comme Brigitte Bardot, la B. B. d'autrefois; il ne fait pas le capricieux, il a des envies subites. Par exemple, il aime à l'occasion — mais c'est alors irrépressible — manger dans mon cul; je veux dire que les aliments doivent donner 1' illusion de sortir, de s'écouler de mon trou, le miel, les confitures, les radis avec leurs fanes, les champignons de Paris, la cuisse d'un poulet, d'une dinde, les œufs mollets...etc. Ce matin, contre mon gré (j'étais fin prêt pour partir au bureau), il voulut essayer avec du yaourt parfumé à la vanille. Je pestai pour la forme car je n'ai jamais su lui résister. Je dégrafai ma ceinture, baissai mon pantalon et m'allongeai sur le vieux sofa qui en a vu et en verra bien d'autres. Là, je dus moi-même, et sans rouspétance, maintenir mes fesses écartées. Il secoua longuement le pot, prit tout son temps pour le décapsuler. Je bouillais, j'étais déjà en retard. Enfin, goutte à goutte, il versa le yaourt devenu, répétait-il, parfaitement onctueux. Quand je sentis sa langue commencer le lapement, je lâchai un pet formidable. Je l'entendis rire. Je me retournai; on eût dit qu'il avait neigé.

Les lectures érotiques ne me valent rien. Enfin, si, puisque au bout du compte je finis toujours par me branler. Pourtant, ensuite, je ne comprends pas pourquoi mon voisin d'en face me prive de son anatomie basanée, pourquoi je ne lui présente pas la mienne, pâle certes, mais encore fort consommable. Or, cette nuit, après lecture d'une volumineuse anthologie de textes sulfureux, je fis un rêve qui me contenta pleinement. Lautréamont baisait Breton en levrette. Le comte, doté d'un organe de solipède, ne ménageait pas sa peine; il ahanait bruyamment, postillonnait, éructait. Le pauvre André mordait l'oreiller ou bredouillait : Je n'ai rien contre les pédés ! Je le jure ! Je n'ai rien contre les pédés !

Je dînais en compagnie de trois jolies femmes, deux jolies et la troisième plutôt chevaline. On nous servit des bavettes à l'échalote accompagnées de curieuses pommes dauphine, oblongues, grenues, presque aussi grosses que des abricots. Je comptai: six paires de couilles dans mon assiette. Tout en caquetant, mes compagnes les piquaient avec leur fourchette et les mâchaient comme si de rien n'était. Pour ma part, je les pris délicatement deux par deux en bouche et les laissai fondre le plus lentement possible. Personne ne me demanda la raison de mon silence. La dernière paire connut un autre sort. D'abord, sous la table, au creux de ma main gauche, je la soupesai en expert. Puis je fis semblant de laisser tomber ma serviette et déposai les roustons refroidis sur le carrelage. D'un coup de talon, je les réduisis en miettes.

A la foire à la brocante nous nous disputions âprement le Perséphone de Gide. Soudain, il me regarda droit dans les yeux et me céda la plaquette. Il alla même jusqu'à me l'offrir. J'acceptai donc de prendre, chez lui, le verre de l'amitié. Il avait la soixantaine, était bien mis, sans recherche excessive. Il s'étonna de ce qu'un garçon de mon âge s'intéressât à Gide, un vieux grigou ajouta-t-il. Passant du coq à l'âne, il me demanda ce qui, sexuellement parlant, me procurait le plus de plaisir. Au lieu de répondre haut et clair la vérité, autrement dit tout ou quasiment, je ne sus que murmurer: Les seins. Alors, pendant une heure, le vieil homme dont je ne vis plus que la tonsure, lécha, mordit, aspira, titilla, grignota, pinça mes tétons avec un savoir-faire rarissime. Nous en restâmes là. Tranquille et amusé je rentrai chez moi. Dehors, un léger souffle agitait ma chemise restée entrouverte; le frôlement du coton sur ma poitrine suffisait à entretenir une douleur extrêmement aiguë. Et je me souvins d'une autre douleur, du dépucelage, d'un anneau de douleur, témoin de la brutalité délicieuse de mon premier amour.

Chris, mon travlo préféré, vient de me raconter qu'un de ses clients de la veille était si pressé qu'il ne prit pas le temps d'atteindre son quatrième étage; il l'encula dans l'escalier. Pour se venger, Chris lui chia sur la queue.


L'Arbre me hante n°2, "Pornographie", janvier 1990

Luc Lauras (2)

Michel Valprémy



Est érotique quelqu'un qui se laisse fasciner comme un enfant par un jeu et par un jeu défendu.
Georges Bataille

   Chaque fois que Luc Lauras m’ouvre la porte de son atelier, j’éprouve toujours le même étonnement (au sens fort classique), étonnement qui laisse le beau rôle à l’admiration tout en m’incitant à opposer une résistance, voire un refus. Il ne s’agit pas pour moi de conserver une position critique impartiale; depuis mes premières rencontres avec le peintre, je sais ce que notre connivence doit au silence et j’accepte volontiers que ma prise de parole soit, entre nous, hors cadre. Pour reprendre les termes d’André du Bouchet, j’ai hâte de tourner très rapidement le dos à la peinture et de m’engager dans la lumière de l’espace qu’elle m’a ouvert
   Etat de la lumière. Illumination. On pourrait à l’extrême en rester là, à cette énergie qui nous irradie, et l’on ne sait si le rayonnement nous charge d’un fluide bénéfique ou s’il contient les germes d’une contamination maligne. Ainsi, entre deux sensations de la lumière, celle d’une agonie, celle d’une convalescence, il est possible d’hésiter ou mieux peut-être de les confondre. En effet, la première impression participe d’une saturation, d’une vibration. On peut parler d’une fièvre de l’éclat.

   Depuis ses débuts, en 1980, et continûment quel que soit le lieu, Luc Lauras aime à proposer des alignements de plâtres ou de toiles avec une prédilection pour le grand carré composé de quatre images de même format. Ce panneau ainsi reconstitué multiplie les combinaisons harmoniques du tracé et de la couleur. Notre lecture initiale, si on suit l’idée de fébrilité, tient à la fois du trouble de la vision et de l’illusion d’optique. Sur cet écran dynamique n’apparaît, d’abord, aucun récit préalable ou en devenir. La stimulation primitive, loin de toute accoutumance, doit être éphémère, un impact dont il nous appartient de suivre, d’analyser ─ ou de rejeter ─ la trace, les promesses. Entre la fixité du panneau ─ ne l’est-il pas fondamentalement? ─ et sa mobilité, entre temps figé et durée fictive se crée un intervalle magique où nous pouvons nous infiltrer, si tenace est notre quête de miroirs, de résonances intimes.
   Aujourd’hui, Luc Lauras semble vouloir négliger la présentation combinatoire ou, plus justement, il cherche à l’adoucir, à se délivrer d’un accrochage dont la répétition systématique, comme immuable, ne manquerait pas d’être assimilée à un maniérisme. Il n’abandonne pas pour au tant sa conception sérielle mais la prive de ses contours, de sa définition même; d’une part il la dissout, l’occulte, suscitant une tension allégorique dans le lieu d’exposition et, aussi, dans la chronologie de sa peinture ; d’autre part il la concentre sur le tableau, unité séparée d’un ensemble, par une juxtaposition nettement articulée, en diptyque, de deux monochromes (rouge et blanc) de surfaces inégales. L’apparition du cadre peint, sensiblement différencié d’une oeuvre à l’autre ─ l’icône supplée l’écran ─ confirme cette nouvelle orientation unitaire. Il n’est pas question d’enclore l’image, de la cerner ou même de la souligner, mais d’entretenir un processus de réverbération qui ne cherche pas à introduire une confusion ou une trop grande limpidité entre le sujet et la matière, qui les spiritualise (les dramatise exceptionnellement) en les unifiant à forces égales, à substances égales.

   Luc Lauras a longtemps utilisé des tons de pastel, singulièrement le rose, le bleu, le jaune. On a évoqué jusqu’à l’écoeurement les layettes, les confiseries de nos enfances et, partant, des balbutiements, un univers en réduction. On a confondu à plaisir naïveté et juvénilité. Sans doute, au départ, Lauras cède-t-il à une nervosité, à une virtuosité excessives, impulsives que confirme une boulimie naturelle, mais, du moins, peut-on se laisser convaincre par le paradoxe d’une incandescente fraîcheur. Si le peintre sait retrouver une candeur primitive, il le fait en conscience, résolument (j’ai pu écrire alors qu’il était coupable de son innocence). Pourtant, si on accepte l’accusation de puérilité qui nous renvoie au bocal de pastilles, de boules de gomme, il est facile d’admettre que seul compte le rayonnement, obsession mentale liée au désir et à l’interdit. Les couleurs fondamentales, qu’elles soient appliquées dans leur brutalité ou soumises aux variations du blanc, synthétisent ─ nous l’avons vu ─ la lumière suivant deux directions, éblouissement ou anémie, qui divergent sans s’opposer car elles tendent vers le même vertige chromatique. La couleur est dans le corps et non pas dans les airs écrit Gilles Deleuze, je dirai que l’œuvre de Luc Lauras témoigne d’un érotisme de la couleur qui reste constant et remarquablement présent dans les dernières sérigraphies très pâles, délitescentes, dans le violent antagonisme des diptyques.

   Luc Lauras a toujours poursuivi une expérience intime de la dualité de l’ombre et de la lumière. En 1980, à la base sous-marine allemande de Bordeaux, espace ténébreux par excellence, l’artiste, en toute liberté, en toute impunité, plaque sur un mur bétonné deux alignements de plâtres colorés. Est-ce un défi? Cherche-t-il à imposer un motif lumineux dans cette cave géante qui ne reçoit, le jour, qu’une lumière rasante et exige, la nuit, une torche ou les phares d’une voiture? Je ne le crois pas. Dans l’affirmative, il faudrait admettre que le peintre se préoccupe de l’embellissement, de la décoration du lieu dont il ignore volontairement l’historicité. Instinctivement Lauras reconnaît ici les éléments métaphoriques de sa biographie, de sa sensibilité, il peut y inscrire le point de repère originel de son univers pictural qu’il ne perdra jamais de vue par la suite, même si, suivant les périodes, il ne privilégie qu’un seul des éléments de base. Il n’est pas surprenant de remarquer qu’à l’occasion de ses premières expositions en galerie, il cherche à recréer, à prolonger cette atmosphère aride et magique en exigeant l’extinction des spots.
   De 1982 à 1984, la dynamique de l’éclairement de la surface peinte, de l’éclairement des toiles et des plâtres entre eux, la présence physique, tactile de la couleur sont prépondérantes, particulièrement séduisantes et séductrices. Le geste pictural, immédiat, développe librement les premiers acquis, joue de l’épaisseur du tracé, de ses empreintes rugueuses (sillons, coulées), se fait chair avec hardiesse et sans doute une maestria feinte. Le plaisir de peindre, la jubilation l’emportent en apparence sur la part d’ombre qui ne se révèle ─ c’est aussi une dis simulation ─ que dans les postures de la figure humaine, ce qui fait dire très justement à Sylvie Couderc que Luc Lauras peint la cruauté dans l’allégresse. Quelques toiles, rares il est vrai, sont déjà traitées en bichromie (dont une en rouge et blanc), mais l’effet kaléidoscopique de leur juxtaposition bord à bord émousse alors la rectitude intrinsèque de chaque oeuvre.
   Après une période extrêmement réfléchie et rigoureuse (les nombreux dessins préparatoires ou définitifs en font foi) concentrée sur les questions d’équilibre du fond et de la forme où les couleurs tendent à ne manifester que leur substance pour suggérer cet espace spirituel dont parlait Matisse, les teintes se durcissent, s’obscurcissent, les plans larges et unis laissent apparaître des transparences, porosité qui éclaire la toile de l’intérieur ou laisse affleurer un envers ombreux.
   En 1987, l’utilisation de la peinture à l’huile entraîne à la réalisation des premiers monochromes dans des tonalités souvent foncées, terreuses jusqu’à très noires qui, tout en maintenant une distribution interne et diffuse de la lumière, font appel, par leur luisance, à l’éclairage électrique. Ainsi, Lauras obtient-il pour lui-même ─ et pour nous spectateurs ─ une immobilité précaire, un équilibre instable dans l’impossible tentative de restitution d’une lumière de la mémoire, dans l’attente de son épuisement. 

   Lauras ne considère la couleur blanche ni comme un champ des possibles ni comme l’aboutissement en territoire neutre d’une multitude de résolutions chromatiques. Le premier monochrome blanc date de mai 88, il ne joue pas, nous le savons, de l’effet de surprise en s’opposant radicalement avec ce qui précède ou en engageant une séquence de repos dans les diverses mutations. Le peintre ne cherche plus à nous soumettre, à nous imposer la source et les vecteurs d’un éclairage qui matérialisait, peu ou prou, un état psychologique, un potentiel émotif momentanés. Nous sommes plus que jamais libres de notre regard. En renonçant aux artifices de la spatialisation, convaincants en leur temps, l’artiste cherche une nouvelle aventure, se met en danger, à nu. Son oeuvre soudain nous semble extrêmement dépouillée, plus simple encore allais-je dire, mais aussi hors de portée, immatérielle et transcendante. La perspective nettement appuyée de l’encadrement ─ en escalier ─ éloigne le sujet, le dérobe et l’abolit accentuant la suggestion d’un passage obligé en vue d’atteindre les confins d’un nouveau monde, des limbes, un lieu d’exil éternel.

   Il faut exalter la couleur et simplifier la forme préconisait Paul Gauguin. Le tracé de Luc Lauras a toujours été sobre, voire élémentaire ─ plus essentiel que fruste. Les figures du début, quelles soient anthropomorphes ou zoomorphes, envahissent la toile, la débordent, la dévorent. Elles prolifèrent à l’envi avant que de larges aplats ne divisent la surface en plans et cernes colorés qui déterminent par contraste profondeur, paysage et volume dans de trop rares sculptures.
   Les personnages sont sexués. Ils désignent le corps du désir, leur intimité réciproque. Ils connaissent la fatigue amoureuse, la courbature, l’anxiété quotidienne. J’ai bu un demi Pontet-Canet, parce que, tant pis, j’ai trois jours à vivre, et il me teint le cerveau en rose, qui pèse et s’endort écrit Catherine Pozzi dans son Journal. Les personnages de Lauras ont des ivresses paresseuses, ils s’assoient pliés en deux, se couchent, ils peuvent dormir debout en de longues siestes où ils flottent, dérivent et chutent. Ils s’agenouillent aussi, prient à l’occasion. La conjugaison du mouvement, sa multiplication incoercible d’une œuvre à l’autre confinent à l’inertie, à quelque léthargie désespéré que l’humour, le rire figé de René Crevel, accompagne et souligne.

   Après une étude approfondie, quasiment obsessionnelle, d’une forme féminine académique reproduite à l’infini suivant différentes techniques ─ dessins, peintures, sérigraphies, bas-reliefs en plomb ─ Lauras oriente ses recherches vers une nouvelle symbolisation du corps en utilisant du tissu qui, saisi dans la pâte de la peinture, définit le relief de la forme, son épaisseur, ses contours, ses aspérités et ses ombres infimes. La figure a perdu ses rondeurs, la courbe a cédé devant la pliure mettant un point final, ou une large parenthèse, à la référence matissienne. Certes, avec l’apparition de la droite, d’une géométrie du corps, le peintre tend à exprimer aujourd’hui ce qu’il appelle la tentation de l’abstraction ─ je le lui accorde en principe ─ et il insiste sur la valeur non-figurative des rectangles de tissu. Pour moi, le linge l’a renvoyé aux langes et, simultanément, son geste et sa pensée ont fonctionné suivant ce mécanisme: charpie, bandelettes, linceul, suaire, tombe. Nous sommes en présence de dalles funéraires, au royaume des enfants morts, de l’enfance morte. L’orant est devenu gisant, un animal le veille (comme sur les tombeaux de Saint-Denis), le veille ou l’arrose. Plus que la stèle plate marmoréenne, c’est la mort qui est nommée, la peau usée, crevée de la mort.
   Les deux parties du diptyque ne se rabattront jamais l’une sur l’autre, elles ne coïncideront pas, le rouge (à trop le fixer, il devient noir) et le blanc sont séparés pour l’éternité. Elles expriment une tension verticale qui est une invitation vers le bas, véritable archéologie d’une simple agonie.

Convalescent au lit, ancré de courbature
Je me plais aux dessins bleus de ma couverture.
   Je cite Jules Laforgue pour entendre Luc Lauras m’accuser de poétisation. Peu importe, ma première émotion littéraire, celle qu’on n’oublie pas, resurgit dans l’atelier du peintre, un soir glacial de novembre 83 où je découvrais avec retard une oeuvre déjà féconde. Je compris que toute son existence était consacrée à la résurrection impossible d’une image aux contours simples (La souffrance connaît peu de mots écrit René Char), d’une couleur que la phrase ne sait pas peindre, que le voyage ne restitue qu’en de trompeux mirages, une image, une couleur du dedans, perdues à jamais.


Eighty, A suivre, 2è trimestre 1990

jeudi 5 juillet 2012

La chambre orange

Michel Valprémy



Dans la lumière boulangère de l’été
Thierry Dessolas


Dès le second jour du voyage, je ne voulus plus quitter la chambre. Je prétextai des lourdeurs d'estomac, un ventre démesurément gonflé. Il suffisait d'entendre le boucan à l'intérieur, les gargouillements, un raffut de tous les diables. J'accusai la morue grillée de la veille, l'huile d'olive frite.
Thomas n'en attendait pas moins de moi. A Grenade et Florence, j'avais déjà horriblement souffert des dents ; au Caire, à Marrakech, des coliques me tenaillaient ; je crachais du sang à Amsterdam ; et à Nice, oui, à Nice, un eczéma on ne peut plus spectaculaire me couvrait le visage et les mains.
Cette fois-ci, à Lisbonne, malgré d'inavouables efforts, je compris qu'aucun malaise tangible ne s'installerait. Thomas souleva ma chemise et, en un clin d'œil, estima que j'étais plus plat que la morue du dîner, fort succulente, et fraîche, fraîche avant tout, très. Il confondait, bien sûr, morue et limande. Il n'insista pas. Il sortit, seul.
Il sortit seul chaque jour de la semaine. Jamais je ne m'étais senti si bien portant. Le soir, il me parlait du Tage, de l'Alfama, du tremblement de terre, des magasins incendiés, des torsades manuélines, des couples d'aveugles, du bruit incessant des baisers dans le métro, d'un Jérôme Bosch, des écuyers de l'arène sur leurs chevaux fringants et des beaux garçons métis à l'œil oblique.
Il m'achetait du raisin et des biscuits farineux. Il me plaignait de devoir rester enfermé. Il ne comprenait pas. Il croyait que je continuais de détester toutes les villes, la foule, les places publiques, les commerces. Il ne savait pas qu'à force de patience et de réflexion, avec trois fois rien, quelques planches et des rideaux qui ne servaient plus, j'avais bâti, en plein air, l'été de mes sept ans, une chambre magnifique, une chambre orange, celle d'un berger qui deviendrait roi.
Le matin, à Lisbonne, je m'ennuyais. A aucun moment je ne tentai de retenir Thomas ; passé midi, il eût fallu le pousser dehors. Je comptai et recomptai les centaines de fleurs de la tapisserie, les milliers de petits carreaux de la salle de bains. Je fis de la gymnastique, des exercices de jeunesse, difficiles et douloureux. Je me rasai les aisselles, le pubis, les orteils. Je ne lus pas, n'écrivis pas.
Dès quatorze heures, le soleil s'infiltrait à travers les stores dépliés ; il embrasait la chambre ; et mon corps nu, trop pâle, prenait la couleur des tourtes d'autrefois, d'un pain bien cuit que l'on aimait caresser, à l'endroit, à l'envers, avant d'y plonger sans regret le couteau.

Interventions à Haute Voix n°19, "Chambres", juillet 1990

dimanche 8 avril 2012

L'affiche n°1 : "Aux insulaires, salut..."

Michel Valprémy (participation)



L'affiche n°1, octobre 1990

mardi 12 avril 2011

Triturata

Michel Valprémy et Christophe Petchanatz






1.

Marcher en soi, surjeter les petites blessures (pointu, pointu), avaler sa faim, marcher en soi, la tête au plafond.
Je pousse un corps siamois, si frais, main sur sa nuque, et désigne les endroits qu’il a connus.
Les réverbères font sous eux. Derrière, au plus sourd, au plus secret, des pas, une balade de dernière heure ; c’est le loisir du rat. Qui perd la distance et souffle ? Qui trafique ce pays-là ? On n’a pas vu la clôture, le ciment fissuré, ni le lierre ni le tain tavelé.
L’index bagué, jamais limé, ne creuse plus l’épaule et traverse la joue ; ça sent le dentiste, les lilas pourris, la peau trop sucée.
Alors, je renverse la table, toute, les assiettes, les chiens. Il y a le bruit de l’horloge, des figures de linge derrière la fenêtre serrée ; quelqu'un besogne à l’intérieur des murs.
Le doigt pèse sur le fil du couteau. Je mange seul. Au loin, des souliers vernis déchirent l’échine des loups.
Je m’incline, lèche la bouillie sur mes cuisses, les chiures lactées, grumeleuses. Plus bas, mon sexe est un totem plié. La dent malade crie, trois fois. Je roule dans mon ventre.
Soudain, les lilas décoiffent la lucarne, l’orage petit crépite, pelote d’épingles sur les haies rose spongieux.
Le vieux s’est assoupi ; il dort sans discrétion. Cette fois, derrière les carreaux, l’entassement des visages criards ; la bouche, la bouche surtout.


2.

La mer avance dans un silence palmé ; la mer, les méduses. Du boulevard étranglé les épaves croulent, tranchet, histoires courtes et sérieuses, cinglantes. Moteurs affligés, un passant gobeur de mouches : c’est toujours sa faim que l’homme interroge.
Le nougat a fondu.
Croiser les doigts pour que rien ne s’arrête, limbes en dilution ; toutes lignes coupées, je me penche aux balcons, vos yeux.
Journées pareilles à des charades, salves, guirlandes, falbalas, je suis — tout de travers. L’homme recrache les noisettes, les amandes, se redresse, dénoue les mains. Un phare poursuit l’ombre ; la saison mensongère : il a plu sur les vagues. Et le ciel coud les poches, un poing ouvre mes cuisses, la digue chavirée. Survivre, le drap comme un cocon et les bruits de l’hôtel. Tâtonne à chaque interrupteur, frontières minuscules, destin léger des cloisons que l’on frôle.
En bas, selon les jours, on se rencontre un peu ; quelques pas échangés sur le môle, dignité, cigarettes anglaises.
L’os trahit ; fièvres pelotonnées. Ils astiquent le cuir des blousons de baroud. Un coulis dentifrice éparpille les mots. Nos ventres pouffent et fondent.
— À l’abordage, dis-tu ? C’est question de chance, paumes des vierges — si maigres — pressées aux hublots de l’escale. Bleus. Luxe serait mourir ensemble, impassiblement.


3.

La lune couve le lit, c’est la blancheur connue. La porte du frigo se referme en silence. Un félin très docile lape, et la peau, et le lait. Alors, sous la paupière, la petite lueur commence sa tangence. L’homme raconte un synopsis frangé : le fiel des soirées indécises, l’attente sans objet, le moût de la caresse, le vernis d’autres doigts sur la tête d’un mort. Il ajoute les ongles au désir, sans frais, pour colorier l’image, un corps de baves rouges.
Dehors, les cobras se dédoublent et muent (douleur aux quatre coins). Puis, le hasard troue la porte — la hulotte, un cancrelat, le myosis du chat. Appels de croupe ou d’acné, de viande froide. Dans l’ombre du matin, inamovible, tout hérissée de griffes comme feuilles de massette, l’homme peine, voit venir. Il tire la langue, les mouches collent leurs œufs. Un brindisi fameux monte de la cour, déchire le cristal.
Avec la poussière du plâtre, la salive, des rognures choisies, il façonne un gri-gri d’allégeance et rêve d’une figue, du sérail éventré.
Dandy, parfume ton cul, réglisse et mimosa !
Très mol, il jouit, un jus sans épaisseur. La lumière est un zèbre immobile, harmonies de catgut. Le mica coupe l’œil. L’homme miaule.


4.

Et ça siffle, si moite, la rampe des chaudières, sillages occultés — sur le miroir de poche, narines. Croquemitaines en vitrines, ton minois par erreur y chercher. Bajoues sur l’étagère, et les chiffons grand teint : la prunelle fait son galop. « Cousu main », une histoire réversible.
Sueur, tu grimaces (ton talon dans la grille ?). Ainsi, hennir aux losanges du ciel ; bien sûr, la clôture. Retrouver dans les touffes épaisses des jouets, des coquillages, gélules des enfers au travail de l’ivoire, les sphères accolées, l’étiquette jaunie. Il y aura, là, l’escalier de nos ruses ; cachette, entre l’étole d’astrakan et la soie floche les allergies remuent. Le jeu du crucifié dans la soupente fauve. Peindre le sang ; cela fait mal après le fouet, le juste — et les épines. Alors, et malgré les vieillards épieurs, démonter l’échafaud, battre et chasser la poussière, croûtelettes de noir — ils ont payé en caprices voûtés, toussant, crachant autour de l’orifice. Moloch, une voix les retient.


5.

Je respire ton rhume. Tu batailles, joue mordue ; claquent les ligaments de nos cous. Les héros se changent en hyènes, les féroces, en busards.
C’est une sombre histoire : le comptoir spongieux, les dés au tapis, l’arête sur la cendre. Le jus rouille dans un verre taché d’empreintes, aphtes, dartres, doigts mécaniciens. Ils récapitulent les alphabets, un jargon routard, perdent leur temps, reluquent. « Tempo ! » grésille une voix ; bruit de chasse d’eau, targette, l’homme revient, reboutonne, rote. À peine plus tard, une serveuse.
Elle, lasse du jingle fluo. Le rouge de ses lèvres bague la viande des tarzans. Payée pour ! Sautent bouchons, la loterie des bulles.
Il y a des ivresses, trognes aubergine, ce tourment qui bouscule les tables — malgré le plomb des corps — bancs et fieffés candélabres aux usages muqueux. Les avatars musclés, la main captive des braguettes, l’explosion des matrices. Bestioles à chaque pouce empalées crissent sur le zinc.
Avec la pluie, les cuissardes du patron. Un hobereau vautré ronfle dans le fauteuil chippendale ; les femmes répudiées errent, frottent leurs hanches saillantes, croupes et mamelles, à la pique des soudards.
Et toujours, dans le recoin connu, quand le silence blouse, l’ongle sur le plâtre.
Fatigués ; ma chicorée, coquelicot dans ta tresse, au bout.


6.

Cruelles, les pattes, les mandibules… Un branle-bas sous le vernis. L’océan fouille les oreilles : ça coule marron aux commissures. La dame empeste.
Dessous les saules, les jonques miniatures, marmots endimanchés avec quelque part dans le corps une pelote de crin et d’hameçons mêlés. Des ombrelles, plus loin, s’ouvrent et se referment sans raison. Les rires sous le gant, trois bateaux de prairie, de ciels très lisses, chahutent. Parfois, comme l’aspic, un cordeau prend le large. Le désespoir colle aux cils de la petite ; jusqu’au naufrage.
Le couchant calque les joues trop poudrées. Les nourrices. Révérences. La dame s’incline, le genou craque avec l’insecte (mygale tapie sous la soie). Alors, dans l’herbe frissonnante, les frasques invisibles, rubans chus du sac à ouvrage et pelletées d’humus ; on emplit pesamment le fossé, ton visage très blanc, la haie de ronces et de baies violettes. Son bras qui pend de la chaise longue. Les navires trempés touchent le fond. Le fichu glisse, et le châle. Une fillette égarée rit, lèche ses lacets au bord du bassin rétréci. Le menton de la dame tremblote dans le col brodé, une feuille brune frôle la tempe. Un seul jour, néanmoins.


7.

Dans les marais en fièvre, les guéridons de fer. Au pied du pylône, les grands guerriers ne distinguent plus que l’ombre tremblée du fuyard. Des sifflements derrière ; les cris ; la tribu salive. Enfoncé jusqu’aux reins dans la fange et le moût, l’orpailleur avale les pépites. C’est bientôt l’heure des feux, des lourds filets. Courir, hésiter entre la morsure du gel et la meute qui traîne son brouillard ; courir sans faire mousser l’eau, la moire trompeuse, sans claquer des dents ; courir, serrer le cul, refouler la chiasse, le butin.

S’offrir un plongeon sous les guirlandes défraîchies du hangar. Il y a, sur l’estrade, des corps en mouvement, le guinche des guêpières. Essuyer les petits caillots jaunes, tendre les doigts, roides, sans gâchette. Le lamé frangé des tangos, les rails des bas couture. Des pouffiasses, poignets tatoués, sentent l’auge et le foin. Le fugitif carambole les chaperons. L’estomac distille l’ammoniaque, le mégot froid, la fortune. Trois pas en avant…


8.

Aussi la sourde anatomie, lâches défigurements, l’asthme, la couperose. Ils se nouent l’un à l’autre avec des airs, roulent des miettes, encombrent le passage. Le soir, au château, les vestales s’enferment dans les penderies, hument les paletots, attendent le bretteur —abricots mâchurés. Le maître taille sa barbe, essuie le sang du plastron… Et les dépouilles sur les tables, sauces, farine (les langues au chicot) ; ces vieux cuirs serviles. La lumière, enfin, les étrenne. Et ils aboient, massifs, enracinés dans la tourmente. Ils aboient sans relâche, sans passion ; d’une façon catégorique. Les bourrasques mènent leurs cargaisons fourbues, les roulettes, les pèlerins qui se protègent de la pluie avec des carrés de toile tenus à bout de bras. Sargasses.
Pleure, princesse, le désert gagne, ta ceinture a rouillé. Il y a des tombes très rudes sur les chemins du sud. Les bannières éteignent le ciel et le sable creuse les dents des héros. Mais cependant le rut aux cuisines culmine. La pâte est prise : on peut servir, Madame.


9.

Tout près, les baquets déjetés où le linge se tasse, loques de carne et brou de noix. Sous le sureau, les visages léchés, les grappes noirâtres, le suc des poignets dans la nasse. Aussi, au loin, la gigue des badernes, le spectre des pouliches écumeuses ; crinières fouettent la brume. En terre meuble, l’étrave dérange les os. Derrière le terril, le fric-frac des salives, l’étreinte des orvets. Partir à vau-l’eau, jamais ? Trois barques chavirées ; au bout des gaules, les noyés, gonflés, bleu d’encre. Culotte courte craque, les paumes encrassent le coton.
L’enfant petit, l’orphelin de juillet, découpe des fenêtres dans la panse des morts. Il joue à Triturata, au boudin à vent, tranche pouces et orteils pour le troc des jeudis futurs. Les roseaux, les coquilles, lèvres fendues ; baisers.


10.

Les chapons. Des filles sans malice le désignent du menton en s’essuyant les mains. Il est criblé de taches, de pointes lumineuses ; tout son corps lui échappe, a des gestes nigauds — et ce bouillon épais, brunâtre, qui déborde les yeux, le pille, escamote la gorge… Il n’a pas tout à fait le sérieux requis ; les boules de coton gonflent ses joues. Il va pleurer aussi. Les lampions coulent, la cire brûle le front des badauds. Une averse de grêle meurtrit les seins des matrones, trempe les bouffettes, les bérets. Sur l’estrade, le nain, enfin, délace sa braguette, la coque rouge. Dans la morosité et le café tiédi, dans les éclairs timides et laiteux, l’adolescent ose toucher l’épaule de son frère. Ils regardent le gnome, muet, grotesque ; la chèvre qu’on amène. Même les ivrognes font silence. Alors, quand le nabot s’enfonce dans la bête, muette, consentante, une habituée des foules, le jeune homme craintif, sans bégayer, dit :
— Messieurs, à mon tour !


Le Magazine de l'Homme moderne (internet), vers 1990...

dimanche 26 avril 2009

Pauvres Vénitiennes



Pauvres Vénitiennes perchées sur leurs calcagnetti de cinquante centimètres de haut ! Elles allaient, raconte-t-on, flanquées de serviteurs —je les imagine d'ébène — qui, à chaque pas, à chaque cahot, anticipaient la probabilité des chutes. Combien de chevilles tordues, brisées, combien d'entorses pernicieuses, de tendinites aiguës, quand il eût été si simple, si singulier, au prix de quelques souillures communes à tout un peuple de retrouver la terra ferma, autrement dit le plancher des vaches ! Ces dames de la haute — l'expression est choisie —, ces vadrouilleuses de l'orthopédie ornementale, la tête dans les étages, ne se souciant que de leur assomption plombée, piétinaient à l'envi les orteils rougis par les engelures du dernier petit vendeur de poulpes.

Certes, sur la Piazzetta, à l'occasion des décollations publiques, les grands échassiers de la lagune jouissaient d'une position dominante de premier choix. Mais, la Marietta, la Lucrezia, la Paolina jugèrent que la souffrance imposée à leurs malléoles dépassait en intensité la volupté trop brève procurée par la hache du bourreau. Elles écourtèrent les parades quotidiennes et jusqu'aux promenades de Saint-Pierre et de Saint-Étienne. Plongeant avec délices dans un bain d'alois, de musc, de feuilles de cidre, elles comparaient encore la carnation laiteuse de leurs jambes endolories au teint cendreux de la valetaille.

Le Nouvel Écriterres n°3, Automne 1990

dimanche 29 mars 2009

Torcello



Le touriste qui met pied à terre sur l'île bénie de Torcello longera d'abord un canal extrêmement bucolique, mais beaucoup moins odorant que ses rivaux du grand centre vénitien, ensuite, il ignorera les étals des dentellières — à Burano, on en vit de plus somptueux —, jettera un œil distrait sur le péristyle de Santa Fosca, sur le pavement à mosaïques et le Jugement dernier de la cathédrale, puis, empruntera, derrière celle-ci, à condition qu'il ne soit pas alourdi par une platée de lasagnes huileuses ou une double ration de spaghetti al nero, un sentier herbu, boueux, crotté, qui semble n 'être dessiné pour personne et ne conduire nulle part. Si, en outre, ce visiteur néglige le risque de passer pour un poseur, un romantique attardé aux yeux de deux compagnons de voyage qui, dans ce désert marécageux, regrettent leurs exclamations de la Piazza San Marco et les extases, les pâmoisons d'un syndrome de Stendhal qu'ils trimballent infatigablement hors des murs de Florence, ce visiteur, donc, laissera tout bonnement couler ses larmes et, sous un soleil de plomb, immobile, statufié, il s'absorbera dans la contemplation d'un monde qu'il espérait depuis trop longtemps, qu'il croyait perdu à jamais, un monde de premier matin du monde, où le ciel, la terre, la mer simplement s'unissent et se confondent, un monde extensible, lumineux, sans inquiétude.
Hébétés, ses deux acolytes l'entendront alors chanter mezza voce un air du vieil Ambroise Thomas : C'est là que je voudrais vivre, aimer et mourir.

Le nouvel Écriterres n°2, mai 1990