dimanche 8 novembre 2009

Balek ou la vérité amère

Michel Valprémy

à Jacqueline et Pierre V.

"Dis la vérité, même à ton détriment
Dis la vérité, même si elle est amère."
Mahomet


Les ordures fument, poudroient sur la perspective blanche et bleue d'une colline surplombant le sel. Dans le fauvisme louche des souks enchevêtrés une odeur de tripaille vous retrousse les lèvres, pourriture grasse des ruelles du cuir. En régalade impromptue on coule les fruits légendaires et le flux mentholé. A l'angle ocre des murs, dans l'ombre lamée des palmes (peau adhésive des figues imprimée sur parois chaulées), le regard dégringole d'un soleil sulfureux au visage troué d'une femme lépreuse.

C'est si peu voir que visiter.

Trempé de sueurs, pâle, misérable touriste aux rafraîchissements, épuisé d'indécentes coliques je dégueule des glaires délicates penché sur la momie de marbre couronnée d'or vandale.

Des enfants morveux partagent leur tabac, une sensation d'évidence, fluide et cotonneuse, les doigts comme des cierges tièdes. Dans leurs mains sébiles (un sourire de géode), en nanti généreux, je distribue l'infime monnaie, Sainte-Ursule sans chape, Apôtre désaltéré, sans prophétie ou sermon. Les enfants fessus promettent de surcroît, enchères vives, claques et mercis, leur ventre mince, caramel. Sous le linge un peu sale et flou de 1'entrecuisse on glisserait bien les ongles, la langue sur l'œuvre du scalpel. Renifler ce pain mat.

Les cils brouillés de khôl, de gros féminoïdes, vaporeux et blonds, Pharaons de guimauve, déposent sur des coussins soyeux (longues instances maniérées) leur cul mol et meurtri des dagues exotiques. Un garçon déhanché, ce profil berbère à se remodeler, à refaire le monde et s'émasculer, dégrafe ses lèvres noires, accuse. Suivre les yeux varechs, se coucher sous ses pas.

Les chiens lèchent les plaies des filles ennocées haleine voilée. Des paysannes de somme, cassées, cahotent .sous le bât de paille, excitent le vertige plaintif ou passant d'Europe. Le mâle assis sur l'âne sourit.

Ne dites plus l'innocence ! Qui peut comprendre les foules avec un sou fraternel, degré de l'aisance ? On ne coupe pas ses privilèges (miniatures aux enchères) pour aider la charrue. Au moins ne vous avancez pas pour me servir ! N'écorchez pas vos genoux, en faim du rêve, vers ceux qui vous piétinent, gaspilleurs ! Le muezzin chante dans les hauts-parleurs, les fraudeurs d'herbe se lovent sous la peau moite des illusions. On ne surprend rien du sérail, de ceux que l'on enferme dans toute autre prison que leurs mots, qui clament le mieux du grand nombre et manger.

... et les guenilles parleront. Les rois se dessécheront dans leur lente putréfaction dynastique. A l'aube le peuple et les fourches se dresseront.

Les dossier d’Aquitaine n°08, 1984

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