dimanche 29 novembre 2009

Bille en tête

Michel Valprémy

C’est ma bille, ma bille mienne, une reine, gagnée haut la main, à la triche, à la lèche, ma bille, mon bonbon sans fin, mon bijou, une esclave rebelle qui vibre encore quand je m’arrête, qui troue le noir quand je ne le veux plus, quand je n’y pense plus. C’est ma bille, mon cinoche, c’est mon cirque ambulant. Dedans – la liste est longue – il y a :
des postillons de lait
des morves qui scintillent
des nuages nains blottis au fond d’un lac,
du blé pilé,
trois poissons poilus qui rigolent,
des ailes en vrac,
des ongles et
des cornes,
des pétales rouillés,
des grêlons un peu mous,
des confettis plucheux
un troupeau d’asticots,
des guirlandes qui pendent sous la lune qui pleure,
des ciels d’avant-hier qu’on peindrait si on savait, des ciels du souvenir, du bon, du meilleur, des ciels plus vrais et vifs qui meurent à reculons, sans se presser, des ciels d’artistes, en bouquets, à pleines couches.
C’est ma bille, c’est mon phare, mon grelot, mon olive qui dort au repli du nombril, ma bille, ma bille toute pauvre, toute bête, toute triste, mon seul souci sacré / secret.

Décharge n° 93 – Juin 1997

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