dimanche 8 juillet 2012

Le soleil du quatorze juillet

Michel Valprémy


Le soleil du quatorze juillet crispe la plastique tricolore des drapeaux, fond le goudron neuf de l’ancienne route blanche et peut-être, si on y croit très fort, les tuiles des maisons pour les changer en coquelicots. 

Sous un rayon pointu, le cul de la bouteille de QUINQUINA brûle la peau, les poils dorés, le petit bouton blanc de la crise de foie – ça y va les gâteaux chantilly, les crottes fourrées pistache ! –, brûle et cuit toute les gales, les poux rouges, les morpions qui grouillent le jour et grattent la nuit. Pour ne pas crier quand monte l’odeur de cochon grillé, on mange sa main ou l’orteil – le riquiqui – du voisin.

Avec la lune c’est une autre affaire, elle éclaire mal, laisse des trous dans les forêts, dans les greniers, dessin salement les ombres, brasse le gris, la suie et triche sur l’émail du pot de chambre qui, en vérité, n’est pas si propre, blanc comme un fantôme peureux caché sous le lit. 

Pour la réchauffer, on allume un bûcher de paille, de planches pourries et la langue géante des flammes crache des étincelles plus dangereuses que les étoiles filantes. 

Au matin, dans la cendre et la dernière braise, on trouve des clous tordus pour les cabanes et les colliers des sorciers et, souvent, jambe cramée d’une poupée de la fête qui, pourtant, fermait ses yeux fragiles quand le feu d’artifice commençait ses pétarades.


Interventions à haute Voix n°17, "Feu/Flammes/Tison", février 1989


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