jeudi 12 juillet 2012

Portrait minuscule de l’homme Degoutte

Michel Valprémy



Portrait minuscule de l’homme Degoutte que je n’ai jamais vu, qui, pourtant, m’écrit  parfois d’une rive à l’autre

Il dit qu’il est paresseux, qu’il aime ce qui est futile. Il dit que Claude Seyve qui l’avait à la bonne pensait que la bêtise, la sienne, celle de Degoutte, était un de ses charmes. Il dit qu’il marche les poches vides dans la forêt, avec les sangliers, qu’il roule à vélo au bord de la Loire, à travers les monts du Forez, qu’il roule quand l’air est de bonbon. Il dit (faut-il y croire ?) qu’il souhaite mener une petite vie tranquille pour faire ─ il dit faire ─ tranquillement des petits poèmes tranquilles, une vie qui le verrait assis à même le sol, sous les orangers ; et simplement regarder, écouter, renifler. Il dit que la folie lui fait peut-être plus peur que la mort. Il dit qu’il est souvent une maman. Il dit que Cavafy l’a cloué, qu’il a longuement caressé les sculptures d’Henry Moore, que sa clarinette ne chante pas encore comme Maria Callas. Il dit qu’il éprouve une sorte de répulsion pour l’écriture, qu’il fuit les crayons, qu’il ne veut pas se laisser aller aux signes extérieurs de poésie. Il invente des slogans : « Vive la surcharge émotive ! » des proverbes : « Connaissance de papier n’est pas venue à pied. » Il dit que le bois qui flambe sent aussi le vinaigre. Il dit qu’il m’écrira un jour sur des feuilles de châtaignier.

Pré carré éditeur, Le chasse-patate, juin 2003

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