II croit qu'il est exactement comme Brigitte Bardot, la B.
B. d'autrefois; il ne fait pas le capricieux, il a des envies subites. Par
exemple, il aime à l'occasion — mais c'est alors irrépressible — manger dans
mon cul; je veux dire que les aliments doivent donner 1' illusion de sortir, de
s'écouler de mon trou, le miel, les confitures, les radis avec leurs fanes, les
champignons de Paris, la cuisse d'un poulet, d'une dinde, les œufs
mollets...etc. Ce matin, contre mon gré (j'étais fin prêt pour partir au bureau),
il voulut essayer avec du yaourt parfumé à la vanille. Je pestai pour la forme
car je n'ai jamais su lui résister. Je dégrafai ma ceinture, baissai mon
pantalon et m'allongeai sur le vieux sofa qui en a vu et en verra bien
d'autres. Là, je dus moi-même, et sans rouspétance, maintenir mes fesses
écartées. Il secoua longuement le pot, prit tout son temps pour le décapsuler.
Je bouillais, j'étais déjà en retard. Enfin, goutte à goutte, il versa le
yaourt devenu, répétait-il, parfaitement onctueux. Quand je sentis sa langue
commencer le lapement, je lâchai un pet formidable. Je l'entendis rire. Je me
retournai; on eût dit qu'il avait neigé.
Les lectures érotiques ne me valent rien. Enfin, si, puisque
au bout du compte je finis toujours par me branler. Pourtant, ensuite, je ne
comprends pas pourquoi mon voisin d'en face me prive de son anatomie basanée,
pourquoi je ne lui présente pas la mienne, pâle certes, mais encore fort
consommable. Or, cette nuit, après lecture d'une volumineuse anthologie de textes
sulfureux, je fis un rêve qui me contenta pleinement. Lautréamont baisait
Breton en levrette. Le comte, doté d'un organe de solipède, ne ménageait pas sa
peine; il ahanait bruyamment, postillonnait, éructait. Le pauvre André mordait
l'oreiller ou bredouillait : Je n'ai rien
contre les pédés ! Je le jure ! Je n'ai rien contre les pédés !
Je dînais en compagnie de trois jolies femmes, deux jolies
et la troisième plutôt chevaline. On nous servit des bavettes à l'échalote
accompagnées de curieuses pommes dauphine, oblongues, grenues, presque aussi
grosses que des abricots. Je comptai: six paires de couilles dans mon assiette.
Tout en caquetant, mes compagnes les piquaient avec leur fourchette et les
mâchaient comme si de rien n'était. Pour ma part, je les pris délicatement deux
par deux en bouche et les laissai fondre le plus lentement possible. Personne
ne me demanda la raison de mon silence. La dernière paire connut un autre sort.
D'abord, sous la table, au creux de ma main gauche, je la soupesai en expert.
Puis je fis semblant de laisser tomber ma serviette et déposai les roustons
refroidis sur le carrelage. D'un coup de talon, je les réduisis en miettes.
A la foire à la brocante nous nous disputions âprement le Perséphone de Gide. Soudain, il me
regarda droit dans les yeux et me céda la plaquette. Il alla même jusqu'à me
l'offrir. J'acceptai donc de prendre, chez lui, le verre de l'amitié. Il avait
la soixantaine, était bien mis, sans recherche excessive. Il s'étonna de ce
qu'un garçon de mon âge s'intéressât à Gide, un vieux grigou ajouta-t-il.
Passant du coq à l'âne, il me demanda ce qui, sexuellement parlant, me
procurait le plus de plaisir. Au lieu de répondre haut et clair la vérité,
autrement dit tout ou quasiment, je ne sus que murmurer: Les seins. Alors,
pendant une heure, le vieil homme dont je ne vis plus que la tonsure, lécha,
mordit, aspira, titilla, grignota, pinça mes tétons avec un savoir-faire
rarissime. Nous en restâmes là. Tranquille et amusé je rentrai chez moi.
Dehors, un léger souffle agitait ma chemise restée entrouverte; le frôlement du
coton sur ma poitrine suffisait à entretenir une douleur extrêmement aiguë. Et
je me souvins d'une autre douleur, du dépucelage, d'un anneau de douleur,
témoin de la brutalité délicieuse de mon premier amour.
Chris, mon travlo préféré, vient de me raconter qu'un de ses
clients de la veille était si pressé qu'il ne prit pas le temps d'atteindre son
quatrième étage; il l'encula dans l'escalier. Pour se venger, Chris lui chia
sur la queue.
L'Arbre me hante n°2, "Pornographie", janvier 1990
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