dimanche 8 juillet 2012

Lettre à Jacques Josse

Michel Valprémy



Cher Jacques Josse,


Je lus Fabrique dans un bus. Ce n'était pas l'été ; mais l'hiver, l'hiver 85. Je le sais. Pourtant, l'été, comme un tesson me fendit le crâne. En plein hiver. Vous connaissez le drame de l'été, le drame de la lumière une et divisible, lumière de miel, de feu ou de talc. Vous ne 1'ignorez pas — vous avez rêvé, voyagé loin —, la clarté d'un midi qui se traîne (n'était-il le juste, que pour Valéry ?) ne nous rendra pas la première image, quand l’oiseau tombe du nid. L'oiseau. La charogne. L'écran est crevé pour toujours, le puzzle brouillé, incomplet. Vous porterez cette douleur, vous la porterez encore.
Mais, les fossiles des falaises, les empreintes de l'argile s'animent. L'outil et l'organe s'unissent et se confondent. Il y a, oui, des fragments de chair, un ongle écaillé dans les orties en touffe, dans les broussailles épineuses. Même aveugle (la visière, le zénith, le colin maillard), vous suivez la trace des couteaux, déchiffrez le cadastre des brèches, des arêtes, des saillies — entailles de l'os, de la pierre nue— et collectez les résidus du jusant.
Qui pourrait y résister ? Quelle peau ? Les chiens que nous sommes flairent un à un le secret moite des plis et des fourches velues. Restent encore, nets, des noms (réclames et affiches), des clichés, des codex sur cartes postales ou un seul clou d'enfance — selon Franck Venaille —
Arraché vif
A jamais rouillé de mémoire
devant la citadelle

Je suis votre,

Michel VALPREMY,
Bordeaux, 27 mars 89.

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