Portrait
minuscule de l’homme Degoutte que je n’ai jamais vu, qui, pourtant,
m’écrit parfois d’une rive à l’autre
Il dit qu’il est
paresseux, qu’il aime ce qui est futile. Il dit que Claude Seyve qui l’avait à
la bonne pensait que la bêtise, la sienne, celle de Degoutte, était un de ses
charmes. Il dit qu’il marche les poches vides dans la forêt, avec les
sangliers, qu’il roule à vélo au bord de la Loire , à travers les monts du Forez, qu’il roule
quand l’air est de bonbon. Il dit (faut-il y croire ?) qu’il souhaite
mener une petite vie tranquille pour faire ─ il dit faire ─ tranquillement des
petits poèmes tranquilles, une vie qui le verrait assis à même le sol, sous les
orangers ; et simplement regarder, écouter, renifler. Il dit que la folie
lui fait peut-être plus peur que la mort. Il dit qu’il est souvent une maman.
Il dit que Cavafy l’a cloué, qu’il a longuement caressé les sculptures d’Henry
Moore, que sa clarinette ne chante pas encore comme Maria Callas. Il dit qu’il
éprouve une sorte de répulsion pour l’écriture, qu’il fuit les crayons, qu’il
ne veut pas se laisser aller aux signes extérieurs de poésie. Il invente des
slogans : « Vive la surcharge émotive ! » des
proverbes : « Connaissance de papier n’est pas venue à
pied. » Il dit que le bois qui flambe sent aussi le vinaigre. Il dit
qu’il m’écrira un jour sur des feuilles de châtaignier.
Pré carré éditeur, Le chasse-patate, juin 2003
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