à Hélène Mohone
La cage est de peinture, très-noire ─ crème de suie ─,
toute, ou juste un lait de nuit, un brou. Se tapir ? Fouir ? Du ventre
livrer la taupe ? Carquois plein, l’aveugle y est, compte ses doigts, ses
dents, ses os menus, trois tisons de paupière, un faux fantôme ton sur ton.
Parlera demain, au jardin, au grand air net, lisse et bleu. Hurlera : CAGE ! PEAU ! PEINTURE ! Ici,
au trou, sur l’heure, goutte le marc, la soupe d’encre, goutte, goutte, grain à
grain. Serrure et sexe dru (donné/caché), longue lave, enclume, l’histoire
zone, le sésame, l’épopée, les billets doux, le duel carnivore, la fin à six
sous,. Ça sent le cuir, le faisan, le ventre du casse-caillou. Je hume et je voyage.
J’attends l’éclair, un barouf de sonnailles.
La nuit n’est plus la nuit, ce rouge qui geint. Je
touche l’azur et l’herbe du charbon, touche l’arête d’un vain brouillard, le
calque intact de la cave à chagrin. Étoupe en gueule (pépie/pépite), je parle
encore couleuvre, sangsue, pétrin, boutonnière. SILENCE ! Silence aux quatre coins, silence tamisé, corde tendue ─
vise ! ─, silence, ciment de sable, épée trempée dans l’eau. La bouche
susurre dans la bouche : C’est moi,
j’écris, je peins, c’est ma très-belle faute, c’est ma bile et mon suc ! La nuit lâche son fouet, son
fouet muet, ses tambours sourds et, du billot, le fumet des tripailles. L’arène
chauffe sous l’ampoule. Un soupir fuit. Claque la langue, pleine, déliée.
Nature morte, nu empaillé. Le temps perdu est couteau dans la sciure, boulier sous
la cendre, arc brisé. Corps en cube, corps à douze épingles, corps marouflé
(cambouis/sureau). Les lutins l’habitent, les pygmées, les rosières gantées,
les tourlourous, un satrape aussi, et des bêtes acides, des rongeurs à
ressorts, sauteurs et dormeurs, sonneurs, masticateurs. Sur son chaudron, l’embaumeur
sue, maudit sa peine, noue et renoue la faveur absente du portrait. Ici le
grand bœuf roux, ici l’âme rêche, exquise du crapaud. Pèse poils et couenne,
râle et pupille, le beau rêve d’un rêve, la friction des écorces ! Corps
lié, corseté, cheval cousu ,
corps du corps à corps, du corps perdu, corps veuf, tétanisé, corps bédouin,
corps pharaon.
Fusain pour l’aube (fût des fenêtres ─ ah!), pour
l’agonie des spectres et des nombres (un trait suffit). En coulisse, pelé, colorié,
un loup ─ il y est ─ chasse l’autre, un loup de plâtre ou d’Allemonde. Sur
l’image, aucun ressac, aucune manœuvre ; un souffle s’étire, s’épuise, au
cordeau ; le nom des choses précipite et s’écaille. C’est comme, lent dans l’eau, l’effet moire, lent dans l’ombre.
Comme petites secousses au bout de l’ongle, pincée de lait, sucée de sel. C’est,
langue à langue, mouillure, semence en pointillé, limon d’un vert ortie. Le ru serpente
et ploie, amidonne ses rocs, ses écluses. Ô joie des jets ! Postillons et ventouses, bave d’une étoile
qui rouille.
Carré soleil, rétine au miel ──── gong ! Midi
raide, carcasse blanche. Carré soleil ──── coq ! Clairon tendu, liesse
jaune jaune. Parpaing de ciel éreinte mon fakir. A cloche-pied j’arpente
dédales et damiers. Je tire à vue dans du coton, j’éborgne des poupées borgnes,
des pantins épicés. Un seul rayon fait appel dans la cellule moite, quinquets
des bois, vitrail païen, un seul rayon fait mirage. Pour le saint charabia, ouvrir
les bras, son cœur de nain ? Boute l’icône et ses sequins ! L’archer
dort, pelote d’échardes dans le mille. Au verger des délices brûlent
l’ambre et l’étron.
Musc, arbalète, derniers outils. Silex au front,
j’éparpille billes et jonquilles. L’aine du captif fleure la rigole, le
chèvrefeuille sec et le livre qui ment. Son poing m’étouffe. Il dit : SILENCE ! CAGE ! PEAU !
PEINTURE ! Il dit : pilori,
destrier, gonfalon, foutrecharogne. Au créneau, casquées, les montagnes
mollissent. Bomber le torse ? Courber l’échine ? Cracher le gui, le
vin des noces ? La fièvre chauffe loquets, gonds et targettes. Passe, sans
pioche, le fossoyeur aux quarante vertèbres. Fin de saison, morte partie.
Cœur blessé, fléché, rose que multiplie rose, chevrons
et pastilles, tout est écrit sur la vitre, sur l’ardoise et le cahier de
juillet. Souffler c’est rejouer, c’est commencer de commencer, souffler,
gratter, tailler, gommer, user l’éponge. Il y a le glaïeul sur la vitre, sur
l’ardoise et le cahier de juillet, il y a la patate qui est un rat, qui est une
vieille (on devine) à barbe et à chicots, il y a d’un seul geste la peur épineuse
de l’orage, il y a les formules du mage et du voleur, le compte en plomb des
misères, il y a des taches et des cloques, des trémas, des géométries comme des
marelles, comme des prairies de pluie, il y a le reflet d’un ennui sans épaules,
sans pain, sans vin, sans tabac et sans dard.
Écran fixe, drap tendu
(chair lasse, linceul). Le vent, ses droites, ses courbes, braconne,
festonne. On dirait ─ quel pays ! ─ un foirail de bulles, un essaim
d’aubépines, une purée liseron-lilas, on dirait un grand brasier de craie, la
couleur fêlée des mots dimanche, aisselle, broc, on dirait, à la grange,
l’éclaboussure d’un caleçon métayer, on dirait (harpon au cœur de cible) le
meurtre ébouriffant des anges, on dirait un trousseau d’impatiences, le
rectangle plat du vertige d’amour et de jeunesse. Plombé de tout côté, je
tombe, j’agonise dans les parfums cloutés, vernissés des buis et des ciguës.
Trouer l’outre-lointain,
sept lieues, saute-mouton (fil du
fil, folle flaque). Perdrons scalps et tendons, perdrons la luette et le désir
des chaumes, des îles, des ponts. Musc,
arbalète, la chasse est dite. Reste la tour. Clair cloaque dans les
confins ; pas un nuage qui bourgeonne, qui moutonne, qui bourgemoutonne,
pas d’océan aux mille sabots, à la crinière verte, pas de stuc ni de rocaille,
pas de mirage dans l’œil saoul du guetteur. C’est une petite larme, un jus
très-pâle, un fin flocon fondu. La terre a soif, boira sa part. Il n’y aura
plus qu’ombre d’ombre d’ombre, lavis sec, plus que souvenir des poudres et des
noyaux.
Inédit, août 2007
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